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Jours 328-332: Ceux qui voyagent au bout d’eux-mêmes – Acte I

Trek des Annapurnas, Népal – Acte I – L’ascension.

Jour 328: mercredi 25 septembre 2019

ETAPE 1 : L'ETAPE OU L'ON SE MET EN JAMBES
par Camille


Pokhara (820m) - Bhulbhule (840m) - Bahundanda (1310m)
120 kilomètres de bus ; 6 heures
9 kilomètres ; 470 mètres de dénivelé positif net ; 3 heures de marche

Il est 5h30 lorsque les 3 réveils de la chambre se mettent à sonner. Visiblement, on avait vraiment peur de louper le bus. 😉 On termine la préparation de nos sacs et l’on dépose le surplus dans le cagibi de l’auberge. Dommage, on n’a pas pris le temps de demander à nos hôtes s’ils avaient une balance… On part donc sans savoir combien nous allons porter pour ce grand trek ! 

Le taxi commandé hier nous attend ; départ à 6h en direction de l’arrêt de bus. Les sacs sont alors chargés sur le toit du bus, heureusement recouverts par une bâche… C’est parti pour 110 kilomètres de trajet pour atteindre le village de Besisahar, d’où démarre officiellement le trek. Il nous faut revenir en partie sur la route qui relie Pokhara à Katmandou, puis on bifurque à destination du massif des Annapurnas. Les petits pains achetés à un vendeur ambulant juste avant de monter dans le bus passent vraiment bien, car on n’a pas eu le temps de déjeuner ! On parvient même à somnoler pendant la majorité du trajet, malgré l’état déplorable de la route qui compte probablement plus de nids de poule que de bouts de goudron plus ou moins lisses : et vas-y que je penche à gauche, énorme dos d’âne, virage à droite pour éviter le trou… Bref.

Arrivée dans le petit village de Besisahar sur les coups de 10h30, après 4 heures de bus qui ne nous ont finalement pas paru aussi éprouvantes que le trajet Katmandou – Pokhara il y a 3 jours. Un autre bus arrive après même pas 15 minutes, le temps de récupérer nos sacs et d’acheter de l’eau. C’est reparti, en direction de Bhulbhule cette fois ! En fait, peu de monde démarre à pied à Besisahar, même s’il s’agit du départ officiel du trek, car les 9 premiers kilomètres se font le long de la « route » passablement fréquentée par les jeeps, et jalonnée de machines de chantier… On a donc décidé, comme beaucoup d’autres, de zapper la première étape et de démarrer à la force de nos mollets à partir de Bhulbhule.

On monte dans un minibus qui doit dater de l’an 40, déjà rempli de trekkeurs et de locaux. Virginie et moi sommes happées par le conducteur qui nous ordonne de nous asseoir sur le siège avant. Siège qui doit d’ailleurs être installé juste au dessus du moteur, car nos fesses ne tardent pas à atteindre les 60 degrés. En plus, le tissu est mouillé. Faites que ce soit de l’eau. Chris est derrière nous, coincé entre la vitre et un Népalais qui veut absolument nous faire descendre à Ngadi, où il tient un hôtel. Quant à Greg, il se retrouve 3 ou 4 rangs derrière nous, à côté d’un Népalais qui ne tardera pas à s’endormir sur son épaule. Le bus est tellement plein à craquer que c’est limite si le conducteur n’a pas un passager (ou 2) assis sur ses genoux. La nana assise à côté de moi doit d’ailleurs écarter les jambes de part et d’autres du levier de vitesse pour que le chauffeur puisse y accéder…

Comment décrire ce trajet ? Comment peut-on imaginer, chez nous, que le chemin par lequel passe ce bus soit appelé une ROUTE ? Un truc de dingue. Un sketch de A à Z. La route en question est ce que l’on appellerait probablement partout ailleurs dans le monde soit un chemin de randonnée mal entretenu, un pierrier ou même, par endroit, le lit d’une rivière. Le bus fait des bonds et tangue fortement de gauche à droite en fonction de l’occurrence et de la taille des énormes cailloux qui jonchent la « route », certains d’un bon 20 centimètres de haut. C’est comme essayer de traverser en minibus un champ fraîchement labouré qui se serait pétrifié en l’état. Chris se prend d’ailleurs le plafond un certain nombre de fois, ce qui lui occasionne un léger mal de tête pour le restant de l’après-midi… On croise des vaches, des chèvres, des locaux qui profitent des grosses flaques d’eau au milieu de la route pour laver leur moto (véridique), et bien sûr, d’autres usagers de la route qui viennent en sens inverse. Ce serait trop facile s’il ne fallait pas croiser. 

Quel trajet mes amis !!! Jamais vécu un truc pareil. C’est difficilement imaginable tant que l’on n’a pas vu l’état des routes de la région… On ne sait pas s’il faut rire ou pleurer, mais en tout cas on est bouches-bées. Et dire que pour certains c’est la norme de tout trajet en bus… Presque 2 heures pour 9 kilomètres quand même, fallait le faire !!

Forts de cette expérience très locale, on arrive à Bhulbhule en un morceau et on récupère nos sacs qui avaient été chargés sur le toit, sans corde, sans bâche. J’ai faim, mais on décide de démarrer tout de suite et rallier sans tarder le prochain village, car la pluie menace. 12h30 : c’est parti mon kiki : nous voilà donc en train de marcher nos premier mètres sur le grand circuit des Annapurnas, un trek qui devrait nous ramener à Pokhara en 2 semaines environ, en passant par le col le plus haut du monde, le Thorong La Pass. Rien que ça !

On est dans une vallée encaissée et partout où l’on regarde, le paysage est vert, vert, vert. En fin de saison des pluies, la nature explose et ce n’est pas pour nous déplaire : cascades, rizières et falaises recouvertes de mousses jalonnent le chemin !

Il commence à pleuvoir légèrement juste avant que l’on atteigne le village de Ngadi. Que fait-on, est-ce que l’on s’arrête pour manger, est-ce que l’on continue ? C’est finalement mon estomac qui décide, très vite rattrapé par celui de Chris. Soupe de nouilles et thé chaud qui font le plus grand bien !

Le décision de s’arrêter n’aura pas été mauvaise, car le gros de la pluie est passé alors qu’on était attablés sur la terrasse couverte du resto. Lorsque l’on repart sous les « Namaste ! » des enfants du village, la pluie diminue d’intensité et le soleil fait même son apparition par intermittence. Parfait, on va pouvoir enlever les imperméables ; de toute façon, on transpirait tellement avec la chaleur de basse altitude qu’on était aussi mouillés dehors que dedans. 

Un poil plus de dénivelé positif cet après-midi, mais rien de bien méchant pour cette première étape toute en douceur. Qu’est-ce qu’on se régale avec les paysages ! Je ne pensais pas voir autant de rizières, mais elles pullulent à flanc de montagne, toutes d’un vert presque fluo. Les petits villages perchés, les cascades et le ciel qui se dégage par endroits : c’est splendide !

Dernière montée courte mais bien raide pour atteindre Bahundanda, où l’on a prévu de passer la nuit. Dès le passage du portique annonçant le village, les habitants sont sur nous pour nous proposer une chambre dans leur lodge. Il faut dire qu’en ce tout début de haute saison, il n’y a pas encore foule sur les chemins de trek ! De plus, beaucoup de touristes un peu pressés par le temps court-circuitent les premières étapes en prenant une jeep jusqu’à Chame, village que l’on atteindra probablement dans 3 jours…

On se dirige vers le haut du village (« 60 marches supplémentaires que vous n’allez pas regretter ! » annonce le panneau), où l’on compare 2 auberges. Identiques, mais l’accueil est plus sympathique dans la deuxième. Adjugé ! Il est 16h et il fait encore bon ; vite, douchons-nous avant que la température baisse. On n’est qu’à 1’300 mètres d’altitude mais les soirées peuvent déjà être fraîches… La douche est un peu une épreuve, la salle de bain combinée aux toilettes turques malodorantes étant quand même bien crado. Mais il n’y a pas à dire, une fois douchés, on est contents de l’avoir fait !

On se pose sur la petite terrasse de l’auberge, où l’on fait la rencontre de Dave et Kathy, un couple d’Anglais arrivés un peu plus tôt dans l’après-midi. La soirée passe rapidement : écriture dans le journal de bord et un peu de lecture en sirotant un thé de gingembre.

A 18h30, le dal baht est servi. Et de un ! Des patates, des lentilles et du riz dans le même plat quand même, on ne rigole pas avec les repas quand on s’engage dans l’Himalaya.

On ne fait pas long feu ce soir : 19h30 sous le duvet, le début d’une longue série de soirées de débauche !

Jour 329: jeudi 26 septembre 2019

ETAPE 2 : L'ETAPE OU ÇA MONTE ET ÇA DESCEND ET VICE-VERSA
par Chris


Bahundanda (1310m) - Tal (1700m)
18 kilomètres ; 390 mètres de dénivelé positif net ; 6:45 heures de marche

J’ouvre les yeux : je me sens en pleine forme et prêt à repartir, même s’il fait encore sombre. Bizarre, je n’ai pas entendu le réveil, peut-être me suis-je réveillé juste un peu avant… Regardons l’heure. Ah ouais, il est 23h25 seulement !!! Je referme les yeux fissa, et retourne dans mon sommeil. 🙂

A 5h30, le réveil de Camille sonne bel et bien. Le temps de s’étirer la moindre, nous allumons la lumière et commençons à nous préparer pour cette nouvelle journée. Nos habits n’ont pas totalement séché, mais ils ne sont pas détrempés pour autant. Une demie-heure plus tard, nous retrouvons Greg et Virginie, qui ont dormi dans la chambre d’à côté, et prenons tous le petit-déj’. Ce sera mon premier porridge du trek. Même si celui-ci est agrémenté de banane, ça me rappelle fortement nos déjeuners en Patagonie !

Notre étape du jour est longue de 18 km ; cet après-midi, nous poserons nos backpacks à Tal. Nous nous enfonçons assez vite dans la forêt, sur le flanc de montagne. Il a plu cette nuit, le chemin est boueux et le feuillage humide… La brume s’accroche aux montagnes environnantes et le paysage paraît fantomatique.

Aïe, je sens une petite piqûre sur le bas du tibia. Persuadé que ce n’est qu’un moustique, je commence à gratter mais en regardant de plus près, je vois que quelque chose gigote sur ma peau. Beurk, une sangsue m’attaque ! Elle se débat la coquine, j’ai de la peine à l’extraire de ma peau… J’avertis les autres et en vérifiant leurs chaussures, ils se rendent compte qu’ils en ont aussi quelques unes qui tentent d’arriver jusqu’à leurs mollets ! Ce ne seront pas les seules sangsues qui nous attaqueront, on en verra d’autres dans la journée. Camille et moi, on s’est fait sucer notre sang plusieurs fois… N’ayant pas de sel à disposition, on doit les enlever à la main et c’est passablement dégoûtant.

Cette première partie de trek passe par des montées sur le flanc de montagne, puis par des descentes vers la rivière pour la traverser par des ponts suspendus. On se déplace de rive gauche à rive droite à plusieurs reprises ; de ce fait, même si le dénivelé net de la journée est assez faible, nous ne faisons que monter et descendre de plusieurs centaines de mètres !

Le panorama est splendide : nous sommes entourés par les montagnes imposantes et leur végétation luxuriante. Un chien nous guide à travers les chemins. Sur les coups de 10h30, nous nous arrêtons à Jagat pour boire une tasse de thé bien méritée ; ça fait déjà 3 heures 30 que nous marchons !

La deuxième partie de l’étape du jour continue par différents villages et hameaux paumés, des cascades abondantes, et avec le paysage toujours aussi vert et imposant… Le dénivelé général est positif et les hauts et les bas se suivent. Après une dernière montée imposante, nous retrouvons Greg & Virginie à l’entrée du village de Tal. Ils ont une foulée plus rapide que la nôtre et sont donc devant la plupart du temps…

Il est juste 14h: nous inspectons le premier lodge du village, mais celui-ci ne nous convient pas. La deuxième auberge, colorée de rose et vert, nous paraît plus avenante. En effet, la chambre n’a rien à voir avec celle d’hier soir, de plus, nous n’avons pas besoin d’en sortir pour prendre la douche. Chaque couple choisit sa chambre double. Petit détail qui a son importance : ce ne sont pas des toilettes turques ! 🙂

Nous sommes détrempés de sueur et ne tardons pas à filer sous la douche à l’eau tempérée, légèrement tirant sur le froid. Au point où nous en sommes, une douche, même glacée, fait l’affaire ! A l’extérieur se trouve un lavabo et nous en profitons pour faire une lessive à la main. Nos affaires commencent à sentir la rose, et comme on aime pas cette odeur, on veut que ça sente le savon. 🙂

Camille écrit dans le journal sur la terrasse, tandis que moi je me pose dans le lit pour lire et méditer… Je manque de m’endormir juste avant que Camille ne vienne me chercher pour le souper. Nous avons commandé nos repas pour 18h, tels des bons Suisses ! Il y a d’autres randonneurs dans la salle à manger, dont le couple anglais, Dave et Kathy, rencontré hier lors de notre première étape. Aux environs de 19h30, chaque couple retourne dans sa chambre respective. Nos yeux sont lourds et l’effort physique de la journée nous plonge rapidement dans le sommeil total…

Jour 330: vendredi 27 septembre 2019

ETAPE 3 : L'ETAPE OU L'ON A VU UN PEU TROP LONG
par Camille


Tal (1700m) - Koto (2600m)
20 kilomètres ; 900 mètres de dénivelé positif net ; 7:45 heures de marche

5h30: réveil en pleine forme grâce au confort de cette auberge « Barbieland » ! La journée commence pourtant par une mauvaise nouvelle : le linge soigneusement lavé à la main hier et étendu au-dessus du poêle qui a chauffé au bois toute la nuit… n’est pas sec. Mais que faut-il sur ce continent pour que quelque chose sèche ??? Bref, on s’habille avec des vêtements froids et humides, ce qui n’est pas forcément bon pour le moral, surtout lorsque l’on s’apprête à marcher l’une des plus longues étapes du trek… Mais bon. On n’a pas vraiment le choix. Un énorme porridge aux pommes qui tient bien au ventre pour le petit-déjeuner, et à 7h, c’est parti ! Qu’est-ce qu’on est bon niveau timing. 😉

On longe la rivière tumultueuse, et le chemin monte sur le flanc de la falaise. Toujours autant de verdure et des cascades absolument somptueuses le long du chemin, c’est génial ! Les nuages sont toujours là aussi par contre, on va devoir passer une autre journée en leur compagnie…

Un bon 200 mètres de dénivelé positif, et l’on arrive en vue du village de Karte. Comme Greg et Virginie marchent plus vite, on décide de se retrouver au village de Bagarchap pour la pause thé, qu’il ne faudrait pas louper. 🙂

On continue de notre côté jusqu’à Dharapani, qui n’est pas franchement un joli village en comparaison avec ceux déjà traversés… On est néanmoins obligés de s’y arrêter, car il y a là un poste de contrôle des permis de trek. Et voilà qu’en ce 27 septembre, on tombe pile poil sur le « Happy Tourism Day » : une petite cérémonie s’impose ! On nous distribue des pommes, des caramels et des biscuits, et Chris se voit passer un foulard autour du cou. On a également chacun droit à un magnifique point rouge sur le front dessiné avec leur poudre à offrande ! Trop marrant. Le gars s’est d’ailleurs un peu loupé sur moi, car la moitié de la poudre me tombe sur le nez.

Si le chemin entre Karte et Dharapani était plus ou moins plat, il en sera tout autre pour la suite ! Surtout que l’on choisit de prendre un petit sentier annexe passant par le village d’Odar, qui a l’air franchement plus sympa que la piste… Mal nous en a pris : nous voilà embarqués dans un dénivelé monstrueux, et le tout en escaliers svp !! L’étape n’était déjà pas assez longue comme ça, il a fallu qu’on en rajoute… C’est que Maps.me ne notait qu’une différence de 300 mètres en longueur entre le trajet par la piste ou par Odar ; on a oublié de regarder le dénivelé ! Oh les débutants. Bref, le village d’Odar, il se mérite.

On est dégoulinant lorsqu’on y arrive, et on découvre avec ahurissement un hameau qui semble tout droit sorti du Moyen-Âge. Si les villages traversés sur le circuit principal nous paraissent déjà vivre à une autre époque, que dire de celui-ci… Un couple épluche une énorme quantité d’épis de maïs, tandis que d’autres femmes font la lessive dans des grosses bassines au milieu du chemin.

On traverse Odar en se prenant une bonne centaine de marches supplémentaires dans les pieds, puis ça redescend doucement vers un petit hameau… Nous voilà à Bagarchap. On rentre dans 2-3 guesthousesPas de Virginie ni de Greg ! En fait, eux sont arrivés par la piste, et sont donc dans la toute première guesthouse à l’entrée du village, afin de nous voir arriver. Ils sont là depuis une heure lorsqu’on se retrouve enfin… Zut. Il est 11h15 ; comme nous avons vraiment besoin d’une pause, on décide d’un village où se retrouver pour la nuit, puis Greg et Virginie repartent en piste. De notre côté, une bonne pause thé et soupe nous fait le plus grand bien ! Cela fait déjà 4 heures que l’on marche, et il nous reste encore la même durée pour atteindre Koto.

On s’apercevra assez vite que l’on a vu un peu trop large pour la journée. La pluie est au rendez-vous cet après-midi, le dénivelé est costaud, et j’ai les pieds trempés depuis la traversée d’un cours d’eau peu après Bagarchap. Forcément, quand on a la brillante idée de traverser juste là où il y a bien 15cm de flotte, au lieu de passer par les cailloux comme l’a sagement fait Chris… Bravo moi. On est rapidement trempés, autant à l’extérieur à cause de la pluie qu’à l’intérieur à cause de la transpiration. C’est que ça grimpe jusqu’au village de Timang !!! Le moral en prend un coup, ce n’est vraiment pas une étape facile.

A partir de Timang, le dénivelé disparaît presque et on redescend en pente douce jusqu’à Thanchok, puis finalement Koto. Vingts bornes, 7h45 de marche effective et presque 1000 mètres de dénivelé positif plus tard, on débarque trempés et les chaussures pleines de boue dans le village. Une dame nous fait signe : Greg lui a montré une photo de nous afin qu’elle nous repère à notre arrivée ! 🙂

On retrouve les copains qui ont choisi une guesthouse très sympa, dont les chambres ressemblent vraiment à des petits chalets alpins. On s’installe dans la nôtre et bien entendu, la priorité est de trouver où attacher la corde qui servira à pendre nos affaires mouillées ! Il fait un froid de canard et l’humidité nous transperce. Nous sommes arrivés à 15h45, mais avec cette purée de pois, la nuit semble tomber très rapidement…

Dernière épreuve de la journée : la douche ! Eh ouais, le moment n’est pas forcément plaisant lorsque l’eau glacée te tombe dessus… 12 degrés m’affiche le boiler, qui n’a pas l’air de fonctionner pour un sous !! Je commence à crier tellement j’ai l’impression que l’on me plonge la tête dans les glaçons. Cela aura été la douche la plus rapide de ma vie. Chris, de son côté, aura soit eu plus de chance, soit plus d’ingéniosité dans la manipulation du boiler, car il a réussi à prendre une douche à peu près tiède. Cela dit, c’est mieux comme ça, car sinon j’aurais récupéré mon amoureux imbriqué dans un bloc de glace pour le restant de ses jours, tel un mammouth de l’ère glaciaire…

On s’installe dans la salle à manger ; les mains tremblent, impossible de se réchauffer ! Ce sont finalement un thermos de thé et une énorme plâtrée de macaronis au fromage qui finiront par nous permettre d’arrêter de frissonner. Et le top du top, c’est lorsqu’on s’installe dans la pièce attenante, chauffée au poêle à bois ! Un petit coin de paradis… Linge, chaussettes, chaussures, sous-vêtements, pantalons : tout y passe et cette fois-ci le miracle se produit, nos affaires sèchent !!! Un bonheur incroyable. C’est donc d’excellente humeur et extrêmement fatigués par cette longue journée que l’on va se coucher… Il n’est même pas 20h, qu’est-ce qu’on aligne les folles soirées ! 😉

Jour 331: samedi 28 septembre 2019

ETAPE 4 : L'ETAPE OU L'ON S'EST (PRESQUE) REPOSES
par Chris


Koto (2600m) - Upper Pisang (3300m)
16 kilomètres ; 700 mètres de dénivelé positif net ; 4:45 heures de marche

Au réveil, petit coup d’œil par la fenêtre pour s’apercevoir qu’il pleut toujours ce matin. Au moins, nos affaires sont sèches grâce au poêle chauffant dans l’auberge… Pour ce qui est de l’odeur par contre, nous aurions voulu que ça sente le bois brûlé, mais non, on se contentera de l’odeur acidifiée de la transpiration. 🙂

Après le petit-déj’ (nouveau porridge pour moi) nous quittons l’auberge à 7h05 précise.

A la sortie du village de Koto se trouve un poste de contrôle des permis de trek. Ledit contrôle est vite liquidé, nous devons être les premiers randonneurs de la journée… Nous entamons la marche sous la pluie, avant que cette dernière ne cesse au bout d’une demie-heure. Greg & Virginie nous devancent et on convient d’un arrêt à Bhratang pour le thé, ou alors directement à Upper Pisang, notre point d’arrivée du jour.

Le parcours monte raisonnablement, mais il faut redoubler d’effort à cause de la boue omniprésente. Les sommets des montagnes nous entourant se trouvent dans la brume qui ne cesse de se déplacer au gré du léger vent… Le paysage commence à différer de celui que nous contemplons depuis le début du trek : bye bye les rizières et les bananiers, place aux forêts de conifères et buissons épineux d’altitude !

Arrivés à Bhratang, nous retrouvons Greg & Virginie qui s’apprêtent à repartir. Avec Camille, on se pose boire un thé et manger un donut ! Les conditions et le froid nous demandent plus d’énergie pour l’ascension, alors on bouffe des calories. En chemin, nous rattrapons Dave et Kathy et marchons ensemble jusqu’au village nommé Dhukur Pokhari. Même s’ils se rendent également à Upper Pisang, ils s’arrêtent là pour une pause, tandis que Camille et moi continuons.

Les parois montagneuses sont vertigineuses. Le chemin alterne entre des bouts de plat et des montées en forêt, mais la randonnée n’est pas difficile lors de cette étape, contrairement à hier. A l’approche du village de Upper Pisang, un guide népalais nous fait signe depuis l’autre côté d’une étendue. En fait, on réalise à ce moment-là que nous nous n’allons pas dans la bonne direction… Heureusement qu’il était là, on aurait fait un détour inutile !

Dernière montée avant d’arriver dans le village, Camille sent que son cœur bat un peu plus vite… Ah, est-ce l’altitude qui se fait sentir ? Il est vrai que nous avons passé la barre des 3’000 mètres il y a une petite heure !

Nous voilà au village ; Greg vient à notre rencontre, ils sont arrivés il y a une heure déjà ! Tous ensemble, nous partons à la sélection de l’auberge pour passer la nuit et au bout de la 4ème, nous posons nos backpacks à l’Himalayan Guesthouse. Elle se situe au sommet du village de Upper Pisang, qui lui culmine déjà à 3’300m. Une douche d’eau chaude, puis ensuite une soupe chaude avec un thé chaud pour faire face au froid ambiant…

Dans la soirée, un moine occidental, Lama Konchok, s’assied à côté de notre table et commence à nous raconter des histoires au sujet du trek des Annapurnas. Il a 86 ans le bonhomme, et ça fait plus de 40 ans qu’il habite dans le monastère qui se trouve juste au-dessus de notre auberge ! Il vient prendre son repas ici tous les jours. Konckok nous explique ce à quoi il faut faire attention, les tronçons à éviter suivant l’heure de la journée, etc… Nous le quittons finalement pour aller nous ensevelir sous les duvets de la chambre. Il fait très très très froid, et on ne se dirige pas vers la chaleur !

Jour 332: dimanche 29 septembre 2019

ETAPE 5 : L'ETAPE OU LES GEANTS SE DEVOILENT ENFIN
par Camille


Upper Pisang (3300m) - Bhraka (3360m)
19 kilomètres ; 60 mètres de dénivelé positif net ; 6:30 heures de marche

Mon téléphone doit avoir une vie propre : cette nuit, il a changé d’heure ! Résultat : le réveil a sonné à 4h30… Dur dur de se rendormir lorsqu’on s’est mis au lit à 20h. Le temps passe et il est presque 5h30, Chris ne tient plus et sort dans le froid pour aller aux toilettes… Il en revient en courant 5 secondes plus tard : « La montagne !!!!! Venez voir la montaaaaaaagne !!! »

L’Annapurna II (7939m), que l’on contourne depuis hier, nous révèle enfin son visage. Malgré la présence d’un banc de nuages qui cache encore le sommet, la fenêtre que nous avons sur ce véritable monstre qui se dresse devant nous est à couper le souffle. Les premières lueurs du jour éclairent un immense mur de neige… Quelle masse. C’est d’une beauté !!! Je me suis rarement sentie aussi petite face à la nature.

On reste scotchés à cette splendeur pendant tout le petit-déjeuner. Les nuages changent de position rapidement et la brume monte et descend… On finit par apercevoir la silhouette presque complète de ce géant. Waouh !!!

Il est 7h20 (il y a du relâchement dans l’air !), nous sommes prêts pour une nouvelle étape. Et même si l’on continue à avancer sur le circuit, aujourd’hui agira comme une première étape d’acclimatation : nous allons en effet dormir à Bhraka ce soir, qui ne se situe qu’une centaine de mètres plus haut qu’Upper Pisang, où nous venons de passer la nuit. Sauf qu’au cours de la journée, le chemin va grimper à presque 3’800 mètres avant de redescendre vers Bhraka !

C’est parti mon kiki : les premiers kilomètres à flanc de montagne sont presque à plat, ce qui nous permet de nous mettre en jambe. La suite n’est en effet pas des moindres : un mur se dresse devant nous, que nous devons gravir en zig-zag pour atteindre le village de Gyaru… 400 mètres de dénivelé positif en 1.5 kilomètres, autant dire que la pente est plutôt raide ! Un pied devant l’autre, l’altitude se ressent au niveau du souffle mais on avance bien. Ce ne sont pas des escaliers, ce qui aide grandement à trouver son propre rythme. On surplombe bientôt la vallée et les mouvements rapides de la brume révèlent tantôt une montagne, ou une énorme falaise…

A peine plus d’une heure et la montée est derrière nous ; nous voilà à Gyaru ! Nous sommes quasiment les premiers, mais dans la demi-heure qui suit, beaucoup d’autres trekkeurs nous ont rejoint, dont Dave et Kathy, que l’on ne cesse décidément de croiser. 🙂 On fait aussi la connaissance de Jean-Baptiste, un Français également en fin de tour du monde sur une année. Il a quitté l’Europe et rentrera chez lui à quelques jours près aux mêmes dates que nous, pour un parcours relativement similaire… Peut-être s’est-on déjà croisés ailleurs dans le monde sans se le rappeler ! 🙂

Après une bonne tasse de thé et un apple pie, on est d’attaque pour repartir. Les jambes sont lourdes et il nous faut quand même quelques minutes pour se remettre en marche d’un bon pas !

Le chemin qui relie Gyaru à Ngawal, le village suivant, longe la montagne en faisant des hauts et des bas. On surplombe l’immense vallée et la rivière Marsiyangdi que l’on suit depuis le début du trek ;  le panorama est absolument magnifique. Les nuages sont encore massés autour de l’Annapurna II, que l’on a aperçu ce matin, mais même sans le géant du coin, on en prend plein les yeux ! Scènes quotidiennes d’agriculteurs de montagnes, stupas et drapeaux de prière qui flottent au vent, énormes aigles et vautours qui tournoient dans les courants ascendants proches des falaises… Waouh ! En plus, le soleil est de la partie et illumine la vallée. On sort d’ailleurs la crème solaire pour la première fois du trek !

Je crois que l’on aura mis quasiment 2 heures pour atteindre Ngawal, tant on s’est arrêtés pour admirer et photographier le paysage. Il est donc un peu avant midi lorsqu’on fait une petite pause dans ce joli village coloré pour grignoter une barre de céréales. Erreur : on aurait dû manger quelque chose de plus consistant… Je ne sais pas trop pourquoi, on s’imaginait que depuis Ngawal, il ne nous restait qu’une grosse descente, et l’étape était finie. Que nenni, c’est encore plus de 8 kilomètres que nous devons parcourir pour atteindre Bhraka !

La première partie jusqu’au hameau de Chulu est encore très belle, car on passe entre les champs et les stupas colorées. Mais on a de plus en plus de peine : Chris souffre de l’épaule gauche à cause de son sac qui refuse de rester droit malgré nos nombreux ajustements ; de mon côté, mon ventre me fait des misères. Les 5 derniers kilomètres se feront en mode pilote automatique ; nos batteries sont à plat et l’on attend plus qu’une chose : arriver !

Il est 14h30 lorsqu’on pose nos sacs à dos dans une chambre de l’auberge New Yak, au centre du hameau de Bhraka. Greg et Virginie sont arrivés il y a un petit moment déjà, et nous annoncent que l’eau de la douche est bien chaude ! Alléluia. On reprend d’abord des forces avec une soupe de nouilles et un thé, puis l’on ressuscite sous une douche bouillante…

La fin de l’après-midi passe doucement alors qu’on est installés près du poêle, dans le restaurant de l’auberge. Carte à plat sur la table, on essaie de planifier les prochains jours en fonction des conditions météo et de notre jauge d’énergie. C’est en effet dans les environs des villages de Bhraka et Manang, où nous sommes actuellement à une altitude de 3’500 mètres, qu’il est fortement conseillé de s’arrêter pour un ou plusieurs jours afin de se reposer et de s’acclimater. De nombreux treks à la journée sont proposés pour pousser l’acclimatation au-delà des 4’000 mètres ; Greg et Virginie voudraient aussi tenter le trek annexe du Tilicho Lake, qui se fait sur 2 ou 3 jours. De notre côté, on préfère miser toute notre énergie sur le passage du col de Thorong La, point culminant du circuit des Annapurnas… Va-t-on réussir à se retrouver avant de le passer ? La planification n’est pas facile !

Ce soir, on soupe d’un excellent burger végétarien au fromage de yak : rien de tel pour reprendre des forces. L’auberge s’est bien remplie ; c’est d’ailleurs assez déroutant pour nous qui avons presque toujours été seuls dans les logements précédents. Mais d’où sortent tous ces gens ? 😉

Nous sommes complètement éteints, et ne tardons pas à aller s’emmitoufler dans nos duvets pour parer au froid ambiant des chambres. Une fois de plus, il n’est même pas 20h et on ronfle déjà !

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