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Jours 292-299: Ceux qui développent leur spiritualité

Dipabhavan Meditation Center, Koh Samui, Thaïlande. 

Jour 292: mardi 20 août 2019

Il est 14h30 lorsque le minivan nous dépose à l’entrée du Centre de Méditation de Dipabhavan. Voilà, nous sommes à l’endroit où nous allons passer les 7 prochains jours retirés du monde !

Paco et Shoko, respectivement français et japonaise, nous accueillent. Ils ne sont pas moine et nonne à proprement parler, mais sont volontaires pour le Centre. De ce fait, ils logent ici plusieurs mois dans l’année et organisent les retraites de méditation pour les visiteurs de passage, comme nous…

On dépose nos sacs dans le réfectoire, et l’on doit ensuite faire l’enregistrement ainsi qu’un petit entretien avec Shoko pour les filles, et Paco pour les garçons. Dès le début, on est mis dans le bain : ici, les femmes et les hommes se côtoient, mais tout se fait de manière séparée ; un moine n’ayant que rarement à traiter avec une nonne, et inversement. Dans le réfectoire comme dans le hall de méditation, on sera dans la même pièce, mais séparés par une ‘cloison imaginaire’…

Chacun son tour, nous passons devant Shoko et Paco afin de laisser nos objets de valeur ainsi que ceux qui pourraient nous distraire pendant la semaine : téléphone, tablette, ordinateur, kindle, livres, carnet de notes, appareil photo, etc… Tout doit être déposé auprès d’eux afin d’être récupéré mardi prochain, à la fin de la retraite. On doit aussi expliquer quel est notre rapport à la méditation, et détailler notre pratique régulière. Enfin, Shoko me demande si je suis venue seule. A la mention d’un nom du sexe opposé, elle tique un peu, et m’avertit que cela ne sera pas facile. Chris me dira par la suite que Paco a eu la même réaction… Nous sommes apparemment 2 couples sur la quinzaine de méditants ; personne ne sait vraiment ce qui l’attend, sauf ceux pour qui ce n’est pas la première retraite !

L’entretien passé, on doit choisir une tâche quotidienne à s’acquitter tous les jours de cette semaine. C’est en effet l’un des principes de fonctionnement de toute retraite en monastère : chacun y met du sien pour la vie en communauté. Je m’inscris au nettoyage des tables après le repas de midi, tandis que Chris aura pour fonction de débarrasser les plats de nourriture du buffet une fois les repas terminés. Chacun reçoit ensuite une couverture et une moustiquaire, avec pour consigne de s’installer dans son dortoir. Un petit coup d’œil à Chris qui part de son côté… On ne se parlera plus pendant 7 jours.

Laissant le réfectoire derrière moi, je me fais guider jusqu’au dortoir par une apprentie. Il s’agit d’un grand bâtiment de 3 étages : le rez-de-chaussée contient les sanitaires communs, les deux autres sont des dortoirs, avec ailes gauche et droite. Je n’ai pas très bien compris pourquoi, mais chez les filles, il y a un étage dortoir pour les Thaïs, et un autre étage pour les méditants étrangers. C’est donc au dernier étage que je vais m’installer… Les retraites peuvent accueillir jusqu’à une centaine de participants apparemment, car les dortoirs sont immenses. Cette semaine néanmoins, nous ne serons que 6 filles ; 3 sont Thaïs et s’installent donc au premier étage, les 2 autres et moi devons choisir un lit à l’étage du haut.

… Moi qui lis d’habitude les descriptifs en détail, je ne m’attendais pas à celle-là : les lits sont en bois… et visiblement, il n’y a pas de matelas ! Vous voyez l’image du moine couché sur une planche en bois, la tête appuyée contre un oreiller en bois ? Ben voilà. Véridique. Il y a même l’oreiller. Dommage que je ne puisse pas faire de photo pour le coup ! 😉 Bon, ben va falloir faire avec… Je rigole intérieurement, et entreprend d’aménager mon espace. Le lit contient 3 panneaux de bois en tant que ‘murs’, avec 4 piquets qui servent à suspendre la moustiquaire. Je me débats d’ailleurs un bon moment avec celle-ci pour réussir à la fixer dans le bon sens. On a une sorte de ‘natte’ en paille, qui ne remplace pas le matelas, mais sert au moins à coincer les bords de la moustiquaire afin que rien ne rentre ! Les fenêtres du dortoir resteront en effet ouvertes toute la nuit, et nous sommes quand même dans la jungle. 😉

Je suis contente d’avoir un peu de matériel de ‘camping’ avec moi, n’ayant pas vu le coup de l’absence de matelas venir : un oreiller en mousse pliable, et mon sac de couchage fin, qui sera bien suffisant vu la chaleur ambiante. Pas de clim’ bien entendu, ni même de ventilo ici… J’installe donc la couverture que l’on nous a donné en tant que matelas ; c’est mieux que rien. Le dos de Chris, de son côté, aura survécu grâce à un matelas de yoga qu’il a pris dans l’armoire du hall de méditation ! Futé le mec 😉

C’est étrange de s’installer comme ça dans un dortoir comme si l’on était en colonie de vacances, mais sans parler. En fait à ce moment-là on n’est que deux filles dans un dortoir pour 25 personnes ; la troisième arrivera vers 17h car son train est parti avec beaucoup de retard de Bangkok… On ne sait pas nos noms respectifs, ni même quelle langue on parle, chacun est dans sa bulle !

Nous avons ensuite du temps libre jusqu’à 17h. J’en profite pour explorer les lieux… Le dortoir des filles est aménagé avec un grand balcon couvert pour chaque étage, et ce balcon contient 2 cabines de WC-douche. C’est parfait, comme on n’est vraiment que peu nombreuses, on n’aura pas besoin de descendre au rez-de-chaussée.

L’endroit est tellement paisible… Il y a quelques petites cabanes à proximité (les logements des nonnes) et des petits chemins qui traversent la forêt et mènent au réfectoire commun. On nous a d’ailleurs préparé des nouilles aux légumes à l’étage inférieur, et l’on est libres d’y passer un moment jusqu’à 17h. A savoir que normalement, les moines et les nonnes ne mangent rien après l’heure de midi, et que ce plat de nouille sera donc le dernier de la journée. Même si l’on n’a fait que manger aujourd’hui, je me sers donc une assiette ! 😉

Le dortoir des garçons est aménagé sous le grand hall de méditation où l’on se retrouvera pour toutes les sessions, tout en haut du domaine. Le Centre de Dipabhavan est en effet construit à flanc de colline, et il n’y a donc quasiment rien de plat ! Je continue mon exploration en montant les escaliers sans fin qui mènent au hall où l’on a rendez-vous à 17h. Vous vous demanderez comment on peut être à l’heure lorsqu’on n’a pas de montre ? En fait, ce sera le son de la cloche qui régira nos horaires pendant les 7 prochains jours. Gong pour le réveil, gong pour le rendez-vous au hall du méditation, gong pour le début d’une session, gong pour la fin également, gong pour signaler le repas… Je m’apercevrai assez vite à quel point c’est déroutant de ne pas savoir quelle heure il est ! Heureusement, il y a quand même une horloge dans le réfectoire et le hall de méditation.

La cloche sonne d’ailleurs, et nous nous dirigeons tous vers le hall principal, un magnifique bâtiment au plancher en bois, dans lequel ont été disposés des coussins de méditation. Chacun en choisit un, dans la partie gauche pour les hommes, droite pour les femmes, et nous nous asseyons pour écouter Shoko introduire la semaine de retraite et les règles de l’établissement. Il y en a un paquet, cela fait beaucoup à retenir ! Ne jamais pointer ses pieds en direction d’un moine, d’une nonne ou d’une statue de Bouddha par exemple, les pieds étant considérés comme impurs dans la religion bouddhiste. Ça paraît facile, non, de ne pas pointer ses pieds vers une statue ? Ben pas tant que ça au final, quand on passe plusieurs heures par jour assis sur un coussin et que l’on est pris d’envies furieuses d’étendre ses jambes sans réfléchir au préalable à la direction… 😉

Shoko et Paco nous font faire le tour du domaine en nous expliquant les limites à ne pas franchir, pour les filles, et pour les garçons. Ils nous expliquent entre autres le fonctionnement du réfectoire, où chacun sera chargé de faire sa propre vaisselle et ranger les ustensiles. Le tour dure une heure, pendant laquelle notre troisième colocataire de dortoir arrive, toute essoufflée, en s’excusant du retard de son train. Je tente de deviner quelle est sa nationalité d’après son accent lorsqu’elle parle avec Shoko, mais impossible !

A 18h, nous nous dirigeons vers l’étage inférieur du réfectoire car c’est l’heure du thé. Ce sera le cas tous les jours à cette heure-là : thé et fruits en guise de repas du soir… Le ‘silence noble’ n’a pas encore officiellement commencé, et 2-3 personnes discutent entre elles, profitant du thé de bienvenue pour se poser quelques questions. Personnellement, je déguste une bonne tasse de thé en observant les environs… Il y a quelque chose de vraiment paisible et angoissant en même temps à se dire que l’on ne va pas parler, pas interagir avec qui que ce soit et être seul avec soi-même pendant une semaine. Sept jours, ce n’est pas rien !! Cet après-midi, j’ai ramassé 7 cailloux sur le chemin passant devant notre dortoir, et les ai installés au bord de mon lit. L’idée n’est pas de moi (lisez ‘SeperHero’ de Marine Barnerias !), mais c’est un petit réconfort qui m’aidera à traverser cette semaine aussi belle que difficile : un caillou pour chaque jour de silence écoulé !

Nous avons un court moment de temps libre, parfait pour se doucher. Il est 19h : le gong sonne à nouveau pour nous inviter à remonter à la salle de méditation. Le soleil s’est couché pendant l’heure du thé, et en pleine jungle, il fait assez vite noir. Le visage de Shoko est illuminé par la flamme de la bougie installée devant la statue de Bouddha… Elle nous relate encore certaines choses ayant trait au programme de cette semaine, et nous demande si nous avons encore des questions. Non ? Le ‘silence noble’ commence alors officiellement…

A tous nos lecteurs qui s’imaginent que nous allons passer une ‘semaine bien-être’, yoga et massage 3 fois par jour, installés sur une chaise longue à siroter des jus de fruits détox’, vous vous trompez. Pour ceux qui, au contraire, s’imaginent que nous allons nous raser la tête, jeûner et passer 7 jours en position du lotus afin d’apprendre à léviter, ce n’est pas ça non plus…

Cette semaine de méditation n’est ni un camp touristique de remise en forme, ni une secte religieuse !

Par cet article, on ne prétend pas expliquer en détail ce qu’est la méditation, ni partir dans des grandes théories sur l’importance de la pleine conscience dans le monde consumériste d’aujourd’hui. C’est par contre l’occasion, peut-être, de casser quelques clichés inappropriés ! Chris et moi avons tous les deux suivis une formation de méditation de pleine conscience, l’année passée en Suisse, dans un contexte laïque.*** Nous ne sommes donc pas débutants en méditation, même si nous sommes loin de pratiquer tous les jours.

Dans ce hall éclairé par une seule grande bougie, Shoko nous explique, démonstration à l’appui, toutes les postures de méditation possibles. Nous avons à disposition des petits bancs, ainsi que plusieurs coussins pour rehausser les fesses afin de ne pas se faire mal aux genoux ou au bas du dos. Chacun teste le matériel afin de trouver quelle position lui convient le mieux. De toute façon, cela changera au fur et à mesure de la semaine : pas facile de gérer 10 heures de méditation par jour et un matelas en bois… 😉

Il est 21h, le gong sonne à nouveau pour nous inviter à regagner nos dortoirs. Un brossage de dents rapide, et je m’installe sur mon matelas de bois. Dans le silence du dortoir et les bruits nocturnes de la forêt qui nous entoure, le sommeil peine à venir, tant j’ai du mal à imaginer ce qui nous attend dans les prochains jours…

 

***La formation s’intitule ‘Mindfulness-Based Stress Reduction’ (MBSR ; Réduction du stress par la pleine conscience). C’est un programme mis en place par Jon Kabat-Zinn, professeur émérite de médecine à Boston, aux Etats-Unis, qui est maintenant enseigné dans beaucoup de pays à travers le monde. Il dure 2 mois et comprend des séances hebdomadaires collectives ainsi que des exercices individuels à pratiquer quotidiennement. Le contexte est complètement laïque, ce qui aide peut-être à populariser la méditation pour ceux qui auraient un ‘frein’ vis-à-vis du caractère spirituel ou religieux de la pratique.

 

Jours 293-298: mercredi 21 – lundi 26 août 2019

4h30 – Réveil au son du gong

Il fait nuit noire lorsque le gong retentit doucement parmi les bruits de la jungle. C’est Paco qui le fait résonner depuis le hall de méditation, au sommet du domaine. Ayant parfois du mal à entendre mon réveil à 50 centimètres de ma tête en temps normal, j’avais peur de pas l’entendre… Mais cela n’a pas été le cas, je me suis réveillée sans problème 7 jours d’affilée au milieu de la nuit.

Je m’habille à la lumière de ma lampe torche, et file me débarbouiller la figure au lavabo sur la terrasse. Le gong retentit encore pendant 5 minutes ; je crois que Paco veut s’assurer que tout le monde l’ait bien entendu. Les garçons doivent en avoir plein les oreilles, leur dortoir étant situé à l’étage inférieur du hall de méditation !

Lampe torche à la main, je monte doucement les 145 marches (oui, j’ai compté) qui mènent au hall de méditation. C’est plutôt sportif quand on n’a rien dans l’estomac depuis plusieurs heures, mais il y a quelque chose de magique à traverser la jungle dans le silence de la nuit… Je fais attention à bien éclairer les marches devant mes pieds, car il ne faudrait pas marcher sur une araignée, un crapaud, une colonie de fourmis, ou même un serpent ou un scorpion.

Le hall de méditation n’est éclairé que d’une grande bougie qui illumine la statue de Bouddha. Dans un silence paisible, chacun rejoint son coussin, éteint sa lampe de poche et s’installe dans sa position de méditation préférée.

5h – Méditation assise (45 minutes)

Un son de bol nous indique le début de la première session de méditation de la journée, et je ferme les yeux ; bien qu’il soit possible de méditer les yeux ouverts, cela n’est pas conseillé pour les pratiquants ‘débutants’. Certains jours de la semaine, Paco nous lit un texte pour entamer cette nouvelle journée de méditation ; les autres jours, la session commence directement. Je calme mon souffle après la montée, et focalise mon attention sur ma respiration. Inspiration, expiration…

Méditer en pleine conscience, c’est quoi en fait ?

Méditer, ce n’est pas réfléchir, contrairement à ce que l’on pourrait penser lorsqu’on dit ‘Hmmm intéressant… C’est à méditer’ ! Quand on médite, on n’est pas en train de ressasser certains épisodes heureux ou malheureux de sa vie pour tenter d’y trouver un sens. Ce n’est pas une séance de psychothérapie. Le but n’est pas la relaxation (bien qu’elle soit souvent un ‘effet secondaire’ de la méditation), ce n’est pas non plus de ‘faire le vide’. Méditer en pleine conscience, c’est tout simplement focaliser activement son attention sur le moment présent, sans attente et sans jugement, instant après instant.

Concrètement, comment fait-on ? Eh bien on focalise son attention sur sa respiration. On ressent le filet d’air frais qui entre par le nez, le ventre qui se gonfle puis se dégonfle, l’air chaud qui ressort par le nez, le temps d’arrêt après chaque expiration… L’air qui entre à nouveau, le ventre qui se gonfle… Et encore et encore. La difficulté de l’exercice étant bien évidemment de ne pas laisser son esprit être entraîné par le flot de pensées incessant qui passe par la tête de tout être humain normalement constitué… Et encore et encore. Arrivera forcément un moment où l’on réalise que notre esprit s’est évadé dans des pensées… Ce n’est pas grave, c’est normal. On note mentalement, ‘tiens, je pensais à tel ou tel truc’, puis on focalise à nouveau son attention sur la respiration. Et encore, et encore. Jusqu’à la prochaine pensée qui fait incursion… On note l’évasion, et on ramène l’esprit à la respiration. Et encore… Un véritable exercice de discipline de l’esprit, instant après instant.

5h45 – Séance de yoga (1 heure et quart)

C’est Shoko qui nous donne le cours de yoga chaque matin. On installe nos matelas de mousse sur le sol et on commence par des étirements, sur le dos, sur le ventre, sur le côté…

La pratique du yoga est extrêmement complémentaire à la méditation. Pas besoin d’être immobile pour être pleinement conscient ; en plus de ses vertus assouplissantes et tonifiantes, le yoga est un excellent moyen de se focaliser sur la respiration. Certains mouvements se font à l’inspiration, d’autres à l’expiration… Cela demande une attention soutenue et une pleine concentration aux mouvements de son corps !

7h – Méditation assise (30 minutes)

Le jour s’est levé pendant la séance de yoga. Nous nous réinstallons sur nos coussins et fermons les yeux en attendant le son du bol qui indique le début de la session. L’attention se focalise à nouveau sur la respiration ; l’air qui entre par le nez, le ventre qui gonfle, l’air chaud qui sort… Inspiration, expiration. L’esprit s’égare, on note, on ramène notre attention à la respiration… Encore et encore. Au fil des jours, je m’aperçois que cette session est généralement plus ‘facile’ que la première du matin, car la séance de yoga favorise la concentration, préparant de ce fait le corps et l’esprit à la méditation.

7h30 – Petit-déjeuner, tâches quotidiennes et temps libre

Un son de bol signale la fin de la session de méditation assise. Cela fait maintenant 3 heures que nous sommes réveillés ; moi qui ai l’habitude de manger dans les 30 minutes qui suivent mon réveil, j’avais un peu peur de cet écart flagrant entre le lever et le petit-déjeuner. Les gargouillements qui résonnent à travers le hall dans le silence de la nuit pendant que tout le monde médite, c’est quand même gênant ! Heureusement, mon système digestif s’est vite adapté et je ne suis pas en état d’auto-digestion lorsque nous nous dirigeons vers le réfectoire, en bas de la colline. 😉

Chacun prend place en silence, les femmes sur les 3 premières rangées, les hommes sur les 3 dernières. Toutes les tables sont tournées vers l’avant et l’on ne voit que le dos de la personne assise devant soi ; ici, les repas sont également une occasion d’exercer la pleine conscience, et non un moment convivial et social.

Comme je l’explique plus bas, les enseignements du Bouddha visent à libérer l’esprit de tous les désirs procurant des plaisirs immédiats, et la nourriture en est un. Dans un monastère, on mange par nécessité biologique, afin de maintenir son corps en forme et suffisamment sain pour pratiquer la méditation ; non pas par plaisir ou impulsion, ni dans un but esthétique. La nourriture n’est donc pas cuisinée dans le but d’être belle et/ou savoureuse, mais plutôt de satisfaire aux besoins biologiques de tout être humain. L’espèce de bouillie de riz que l’on nous sert tous les jours n’est donc pas franchement digne d’un restaurant gastronomique ! Par contre, je dois dire que je suis surprise en bien ; la nourriture est bonne et aussi variée que possible compte tenu des restrictions imposées (régime végétalien, entre autres, selon un principe de non-violence envers le vivant). Peut-être est-ce parce que nous sommes des visiteurs extérieurs. 😉

Chacun mange bien entendu à son rythme, et l’on peut se resservir autant de fois qu’on le souhaite. On est ensuite tenu de faire sa propre vaisselle, sécher et ranger les ustensiles, puis de s’acquitter de sa tâche journalière. Je vois Chris qui attend d’être sûr que personne n’ait envie de se resservir une assiette pour débarrasser les plats du buffet. Cette tâche lui va plutôt bien, vu qu’a priori, c’est lui qui se resservira le plus ! 😉

Pour ma part, je dois effectuer ma tâche quotidienne après le repas de midi ; j’ai donc généralement un peu plus d’une heure de temps libre devant moi. Retour au dortoir pour se brosser les dents et ranger quelques affaires… C’est aussi l’occasion de faire de temps à autre une petite lessive à la main. Le contexte bouddhiste impose en effet une certaine tenue lors de la pratique méditative : les genoux et les épaules doivent être couverts, la silhouette ne doit pas être trop visible (préférer les vêtements amples), le décolleté ne doit pas être trop bas. Ajoutez à cela le fait qu’en première partie de semaine, il ne fait pas loin de 30 degrés en journée, et que les moustiques du coin sont plutôt voraces ; cela ne laisse pas un grand choix d’habits dans notre garde-robe déjà restreinte de voyageur ! 😉

En revenant dans le dortoir le matin du deuxième jour, je remarque l’absence de moustiquaire sur le lit d’une de mes colocataires, et un sac fermé et bien rempli. Elle et son copain quittent la retraite après moins de 48 heures dans les lieux… Nous ne sommes plus que 2 filles à notre étage. C’est un coup à encaisser et je supplie intérieurement ma colocataire restante de tenir la semaine entière pour ne pas être seule dans ce grand dortoir. On ne se parle toujours pas, bien entendu, mais je puise beaucoup d’énergie dans le fait de partager cette expérience avec elle !

9h30 – Conférence sur le Dharma (Enseignements bouddhistes)

Comme je le disais plus haut, Chris et moi avons déjà suivi une formation de méditation en Suisse, mais celle-ci était dispensée dans un contexte laïque.

L’un des aspects complètement nouveaux de cette retraite, pour nous, était donc le contexte spirituel-religieux de la méditation !

Nous avions hâte de remonter à la source de la pratique afin de mieux comprendre son contexte. L’un des moines du Centre, un anglais converti au bouddhisme et entré dans les ordres il y a 25 ans, vient nous parler tous les jours du Dhamma, le nom officiel donné aux Enseignements de Bouddha.

La pratique de la méditation tient bien entendu ses racines du bouddhisme : c’est « l’outil » utilisé et prêché par Bouddha comme étant le moyen d’atteindre le Nirvana, soit la libération totale de l’esprit de tous les désirs. Un esprit libéré est un esprit qui n’est plus corrompu par les désirs procurant des plaisirs immédiats comme la nourriture, les relations sexuelles, ou n’importe quelle autre stimulation. Un esprit libéré est également un esprit qui a cessé de ruminer des pensées menant à des sentiments néfastes comme la colère ou la vengeance…

Ce moine nous donne donc une ‘conférence’ (le terme est étrange pour moi, tant j’ai l’habitude d’assister à des conférences se terminant forcément par une série de questions – réponses) visant à nous enseigner le Dhamma : selon les jours, cela traite des freins possibles à la méditation, aux manières d’améliorer notre pratique, aux aspects historiques du bouddhisme, à la philosophie de l’absence de ‘soi’ prêchée par Bouddha, ou aux liens entre la religion bouddhiste et les légendes tirées de l’hindouisme comme le karma ou la réincarnation. Les organisateurs de la retraite savent très bien que nombre d’entre nous ne sont pas forcément de fervents religieux (ni même bouddhistes) : ils nous ont donc demandé d’écouter et de chercher à comprendre, mais libre à nous d’adhérer à ce qui est dit. D’accord ou pas avec le contenu religieux des discours du moine, il est de toute façon extrêmement intéressant de comprendre les racines de la pratique méditative… Les principes bouddhistes ont beau dater, c’est fou comme tant de choses restent encore d’actualité dans notre monde consumériste, où nos comportement sont notamment si vulnérables à la publicité ! Les enseignements du Bouddha visent entre autres à libérer tout être humain du matérialisme ; pour Chris et moi qui nous posons énormément de questions quant au défi écologique actuel, le lien est évident, que l’on adhère ou non au caractère spirituel de la pratique méditative.

10h15 – Marche méditative (45 minutes)

Pour pratiquer la méditation de pleine conscience, nul besoin absolu de rester assis. On peut également méditer en marchant. Cette fois, l’objet de méditation ne sera pas la respiration, mais le mouvement du corps, et plus particulièrement les sensations liées au poids, à l’équilibre et au toucher lorsque l’on pose un pied devant l’autre. La méditation en marchant peut se faire les yeux fermés, ouverts, en marchant à l’endroit, à l’envers… Le but étant toujours de focaliser son attention sur une seule chose à la fois et de ne pas laisser son esprit être accaparé par les pensées. Pour nous, ‘apprentis méditants’, l’alternance entre les sessions de méditation assise et marchée est également bienvenue, car ce n’est pas un exercice facile de focaliser son esprit plusieurs heures par jour sur un seul et unique objet !

11h – Méditation assise (45 minutes)

Le son du gong retentit pour signaler la fin de la marche méditative et rappeler ceux qui s’étaient éloignés du hall principal (la marche méditative peut se faire à l’extérieur ou dans les alentours des dortoirs). Tout le monde s’assied à nouveau sur son coussin ou son banc dans sa position de méditation préférée. Au fur et à mesure que les jours de la semaine passent, on entend de plus en plus de craquements ; chacun essayant tant bien que mal de remettre son dos en place… Rassurez-vous, nous n’en garderons aucune séquelle ! 😉

Un son de bol supplémentaire, et la session de méditation assise commence. Je ferme les yeux et focalise mon attention sur ma respiration… Inspiration, expiration. Encore et encore.

Prendre du temps pour méditer, c’est totalement en contradiction avec le monde consumériste d’aujourd’hui dans lequel la rentabilité (de l’argent, mais aussi du temps !) est omniprésente. En méditant, on prend du temps pour soi, que cela soit dans un but spirituel-religieux, ou tout simplement dans un souci, absolument légitime selon moi, d’hygiène de vie. Comme je l’avais entendu de je-ne-sais-plus-qui dans je-ne-sais-plus-quel-contexte (utile la citation hein ?) : on se brosse bien les dents et on prend notre douche tous les jours pour entretenir son hygiène corporelle. Pourquoi ne prend-on pas du temps pour méditer et/ou pratiquer ses activités quotidiennes en pleine conscience, dans un souci d’hygiène mentale ?

11h45 – Dîner, tâches quotidiennes et temps libre

Il est 11h45 lorsque le dernier gong de la matinée retentit. Toujours en silence, chacun se dirige vers le réfectoire. J’aime beaucoup passer par le chemin qui contourne le domaine, car on y a une vue imprenable sur Koh Samui, les collines recouvertes de jungle et la couleur turquoise de l’eau en contrebas ! 🙂

Le repas se déroule de la même manière que le petit-déjeuner : avant de commencer à manger, on doit réciter le texte ‘food reflection’. Celui-ci invite à diriger notre attention sur la nourriture et les sensations qu’elle occasionne, afin d’éviter la ‘mise en pilote automatique’ de l’esprit pendant le repas. J’avoue, quand tout le monde répète le texte en cœur, cela doit faire un peu secte depuis l’extérieur ! 😉 C’est l’un des très très rares moments de la semaine ou l’on peut vérifier que nos cordes vocales existent encore, même s’il ne s’agit que de 2-3 phrases plutôt ânonnées qu’un véritable discours. En écoutant attentivement celui qui lit le texte à répéter, on peut presque deviner s’il est dans une période sereine ou difficile de sa journée… 🙂

Ma vaisselle faite, je dois ensuite laver toutes les tables du réfectoire. Tout le monde est généralement déjà reparti de son côté ; il ne reste que moi et celui dont la tâche est de balayer le sol.

Le dortoir n’est pas franchement un lieu où j’ai envie de passer du temps. Je vois souvent ma colocataire s’allonger sur son lit ou sur le banc de notre balcon pendant les moments de temps libre, mais j’ai peur de m’endormir si je l’imite. A la place, j’aime bien monter directement dans le petit patio à côté du hall de méditation et observer les écureuils qui courent dans les branches ! Je les ai surnommés Mik et Monk… Cela dit, il y en a probablement plus de 2, mais je ne parviens pas à les différencier. 😉

14h – Conférence sur le Dharma (Enseignements bouddhistes)

Le moine anglais est de retour pour la deuxième conférence de la journée sur les Enseignements du Bouddha.

Parfois, son discours ‘rentre tout seul’, parfois j’ai plus de mal à suivre. Cela ne dépend probablement pas de ce qui est expliqué mais plutôt de mon état du moment ; il y a des jours où je ressens une grande sérénité intérieure, d’autres ou c’est très difficile et les pensées ne cessent de s’entrechoquer dans ma tête.

14h45 – Marche méditative (45 minutes)

Le dos craque, on se remet debout et chacun choisit son endroit favori pour pratiquer la marche méditative durant les prochaines 45 minutes. La chaleur est forte, surtout les 3-4 premiers jours de la semaine. Heureusement, Chris a vu ma détresse liée à la température le premier jour et a déposé devant moi l’un de ses deux linges rafraîchissants ; un linge à passer sous l’eau et à essorer qui reste frais bien plus longtemps qu’un tissu standard… Je l’attache souvent autour de ma tête afin d’éviter qu’un mal de tête s’installe à cause de la chaleur.

A partir de samedi, on se prend de gros orages pendant la nuit et il y a des après-midis ou la pluie tombe en continu… Cela nous oblige à pratiquer la marche méditative à l’intérieur du hall, mais la fraîcheur est tout de même la bienvenue !

J’alterne entre marche avant et marche arrière, yeux ouverts et yeux fermés, dans le patio ou à l’intérieur du hall par ailleurs très bien aéré puisqu’il ne possède pas de murs (juste des bâches à baisser en cas de mauvais temps). C’est fou comme 45 minutes peuvent paraître interminables ou extrêmement rapides suivant l’état d’esprit du moment…

15h30 – Méditation assise (45 minutes)

La cloche retentit et tout le monde retourne à son coussin ou à son banc dans le hall de méditation. Je cherche la meilleure position possible pour garder l’immobilité pendant les 45 prochaines minutes, puis je ferme et les yeux et focalise mon attention sur ma respiration. Le filet d’air qui entre par le nez, le ventre qui se gonfle et se dégonfle, l’air chaud qui ressort… Inspiration, expiration. Encore et encore.

Vous l’aurez compris, le principe de la méditation est simple ; pas besoin d’un bouquin de 500 pages de théorie pour le comprendre. Le moine qui nous enseigne le Dhamma le dit lui-même : les principes de la pratique ne sont pas compliqués, et le tout pourrait tenir dans une seule et même conférence (si l’on ne s’intéresse qu’aux Enseignements de Bouddha ; car si l’on veut parler de la religion bouddhiste dans son ensemble, le contenu est bien évidemment beaucoup plus long).

Ce qui fait la force de la méditation de pleine conscience, ce ne sont pas ses principes théoriques, c’est sa pratique régulière.

Je vous le disais en introduction : une véritable discipline de l’esprit qui ne s’acquiert pas du jour au lendemain en lisant un texte !

Focaliser son attention sur la respiration, sur les mouvements du corps. Ne pas lutter contre les pensées qui finissent toujours pas surgir… et re-diriger son attention sur l’objet de méditation. Encore et encore. C’est difficile et la concentration n’est pas toujours au top.… Il y a des moments où le besoin de partager tel ou tel sentiment est si grand que j’ai du mal à contenir mes mots et mes émotions !

16h15 – Marche méditative (45 minutes)

L’après-midi s’écoule, et après un nouveau son du gong, on se livre à une nouvelle session de marche méditative. Au fur et à mesure que la semaine avance, on voit de plus en plus de méditants choisir de pratiquer de façon libre, et de troquer la marche contre une session supplémentaire de méditation assise sur une chaise au dossier droit plutôt que sur le coussin ou le banc. Shoko et Paco nous ont mis à disposition un baume du tigre pour se masser le bas du dos, et la bonne odeur remplit bientôt la salle à tout moment de la journée… 😉

J’aime bien les moments de marche méditative, pendant lesquels je m’adonne tout autant à la contemplation qu’à la marche elle-même. Une armée de fourmis qui transporte un immense vers de terre, un gecko immobile chassant le moustique, l’océan turquoise à perte de vue, le vent dans les feuilles d’arbre ou Mik et Monk, les deux écureuils qui se poursuivent en continu dans les branches des arbres qui recouvrent le patio. Cela m’aide à me concentrer et à focaliser mon attention sur une seule chose à la fois lorsque la concentration n’est pas forcément au rendez-vous.

17h – Chants et méditation de bienveillance (1 heure)

L’une des alternatives aux conférences sur le Dhamma dispensées par le moine anglais est de pratiquer le chant religieux. On reçoit chacun un petit cahier contenant les paroles des chants, et le moine nous en explique le sens, puis l’on entonne les couplets en suivant les indications des ‘partitions’. Ce n’est pas forcément évident, car les textes sont en Pali, la langue originale dans laquelle Bouddha dispensait ses enseignements ! L’activité principale de notre moine enseignant (on ne peut pas vraiment parler de métier dans un monastère) est la traduction de texte anciens en anglais. Il connaît donc le Pali, mais ce n’est apparemment pas un exercice de traduction facile car le sens de certains mots n’existe tout bonnement pas dans nos langues occidentales… Tout comme lorsqu’on ânonne les phrases du refrain ‘food reflection’ avant les repas, cela doit paraître un peu étrange à la personne qui nous observerait de l’extérieur ! Néanmoins, j’aime bien ce moment, qui semble parfois plus léger que les sessions de méditation formelles. 🙂

Après quelques chants, nous nous adonnons aussi à la méditation de bienveillance, une pratique un peu différente de la méditation ayant pour objet la respiration ou les mouvements du corps. En effet, cette fois-ci, notre attention doit être dirigée sur nos pensées ! Pas n’importe quelles pensées néanmoins : il nous faut concentrer le flux sur des moments heureux ou des moments de générosité que l’on a vécu personnellement, afin de développer la bienveillance envers nous-mêmes. Le flux de pensées s’étend ensuite étape par étape à l’extérieur, afin de développer la bienveillance envers les autres, et le vivant en général : après nous-même, on focalise son attention sur une personne proche, un être avec lequel on a une connexion émotive positive. Vient ensuite le ‘bienfaiteur’, la personne envers laquelle on est reconnaissant pour un petit détail ou une grande étape de notre vie, mais que l’on ne connaît pas forcément personnellement. On dirige ensuite notre bienveillance sur un parfait inconnu, qui représente en fait la société entière ; en dernière étape, il s’agit de focaliser son attention sur l’ennemi, quelqu’un qui nous a fait du mal, dans le but de développer le pardon. Un exercice pas forcément évident qui permet de développer graduellement un sentiment de ‘loving kindness’ comme on le dit en anglais, ou ‘metta’ en Pali, la langue du Bouddha…

18h – Thé du soir et temps libre

Les moines et les nonnes ont des règles strictes concernant les horaires des repas, qui ne peuvent se prendre avant l’aube ou après midi. Dans le cadre d’une retraite méditative, la règle n’est pas aussi stricte : tous les jours à 18h, on nous offre un plateau de fruits et la possibilité de boire un thé, un chocolat chaud, ou autre… Le « repas » est le bienvenu pour couper l’enchaînement des sessions de méditation de l’après-midi.

Tout le monde se retrouve donc dans la petite salle sous le réfectoire. La lumière est belle et rend ce moment magique, car le soleil descend doucement vers l’horizon et le jour baisse rapidement !

Tout comme pour la pratique méditative ‘formelle’ et l’acte de manger, on nous incite à effectuer autant que possible nos actes quotidiens dans un état de pleine conscience. Prendre sa douche et ressentir l’eau qui coule sur le corps, faire la vaisselle sans penser à la liste de choses à faire après avoir rangé notre assiette… Ces actes sont tout autant importants que la pratique formelle de la méditation, assise ou marchée. Cela aide notamment à rester concentrer lors des sessions de méditation, car on ne « coupe » pas la focalisation de l’esprit de son état pleinement conscient ! Aucun objet connecté ou distractif pour ‘fuir’ à l’extérieur de nous-mêmes, rien que le silence, instant après instant.

En milieu de semaine, une surprise m’attend lorsque je rentre au dortoir après le thé. Juste à côté de mes affaires de douche, ma colocataire a déposé une belle fleur ! C’est un tout petit quelque chose qui prend une importance énorme lorsque l’on traverse une telle expérience. Un acte d’une gentillesse et d’une générosité extrêmement touchante qui me va droit au cœur ! Je découvrirai le jour suivant qu’en lieu et place de petits cailloux comme je l’ai fait, elle a disposé 7 pâquerettes sur l’une des étagères du dortoir : une pour chaque jour de silence… En découvrant nos astuces respectives sans concertation, on partage un sourire du genre de ceux qui font vraiment beaucoup de bien. 🙂

19h30 – Méditation libre (1 heure et demi)

Peu avant la dernière session de la journée, le son de la cloche retentit à nouveau pour nous inviter à rejoindre le hall de méditation. Il fait déjà nuit noire et l’on monte à la lumière de nos lampes torches pour éviter d’écraser une grenouille. La chaleur a baissé et l’air frais fait du bien…

Chacun s’installe pour l’heure et demie qui va suivre : nous sommes libres de méditer en position assise ou en marchant. Je ferme et les yeux et dirige mon attention sur ma respiration. Inspiration, expiration… J’alterne entre périodes de méditation assise et marche méditative en maintenant autant que possible ma concentration sur l’instant présent. L’ambiance est sereine, et il est parfois difficile de se rendre compte qu’une nouvelle journée s’est écoulée…

21h – Retour au dortoir et extinction des feux

Le son de bol nous indique la fin de la session de nuit. Toujours en silence, on rassemble nos quelques affaires et chacun rentre vers son dortoir. Il n’est que 21h, mais sans distractions électroniques et avec un réveil à 4h30 du matin, c’est fou ce que la soirée paraît plus avancée… J’entends ma colocataire qui s’installe sous sa couverture, tandis que j’éteins ma lampe torche et que je m’effondre dans mon lit (façon de parler, n’oublions pas que le ‘matelas’ est en bois). Demain est un autre jour…

 

Jour 299: mardi 27 août 2019

4h30 du matin, le gong résonne à nouveau. Le lit est toujours aussi dur et il fait toujours aussi nuit. On a vu mieux comme réveil d’anniversaire ! 😉

Je monte les 145 marches d’escalier pour la dernière fois, à la lumière de ma lampe de poche. La lueur de la bougie éclaire le visage de Paco, qui a installé son texte devant lui pour sa lecture du matin. Le hall de méditation se remplit petit à petit, et nous voilà tous rassemblés pour une session de méditation assise matinale, avant le grand retour à la civilisation… La lecture de Paco s’intitule ‘Retour dans la société’ ; elle fait écho, de manière un peu plus poétique, à sa conférence d’hier après-midi sur l’importance d’intégrer la pleine conscience dans notre vie future, le besoin qu’en a la société actuelle, la force intérieure qui nous habite désormais et qui sera mise à rude épreuve d’ici peu, dans le monde consumériste. Son texte est extrêmement beau et pertinent pour cette dernière méditation de groupe… Sa lecture terminée, on médite en silence dans les bruits de la jungle qui se réveille doucement et les premières lueurs du jour. L’atmosphère est magique et l’on peut presque palper la puissance qui se dégage de ce moment si simple partagé avec nous-mêmes…

5h45. Un son de bol signale la fin de la session. On ouvre les yeux… L’ambiance est fébrile et paisible à la fois ; je pense qu’on a tous un peu de mal à réaliser que la retraite est sur le point de se terminer. La tentation de parler, de me jeter dans les bras de Chris ou de courir en agitant les bras n’importe comment est immense, mais en même temps, je n’ai pas envie de briser ce silence intérieur et extérieur, et la sérénité qui s’est installée au cours de la semaine !

On range le hall, on trie les housses des coussins et on remet les bancs de médiation à leur place. On a déjà effectué le grand nettoyage de la salle et des dortoirs hier, à la place de la dernière session de l’après-midi (en silence bien entendu) ; il ne reste donc plus grand chose à faire. Retour au dortoir pour ranger nos affaires, empaqueter le tout et dénouer la moustiquaire… Avec un grand sourire, je contemple la rangée de 7 cailloux posés à côté de mon lit, avant de les reposer dans le parterre de fleurs vers l’entrée.

Toutes nos affaires sont posées dans le réfectoire en attendant le petit-déjeuner. On récupère nos valeurs et nos ‘objets distractifs’, puis l’on a la possibilité de donner nos impressions par écrit, ainsi que de faire un don au centre Dipabhavan. Selon la tradition bouddhiste, les enseignements du Dhamma sont toujours dispensés gratuitement. Le centre apprécie néanmoins un don, peu importe le montant, pour couvrir les besoins en nourriture, les salaires des staffs, l’électricité et l’entretien des infrastructures, ce qui est tout à fait normal ! On calcule donc rapidement la somme approximative du logement et des repas, et l’on donne ce que notre budget nous permet.

Une photo de groupe à l’entrée du centre, puis le petit-déjeuner nous est servi… et le silence est levé ! Chris vient s’asseoir à côté de moi mais bizarrement, on mange nos bananes en silence en souriant comme des gamins. 🙂 Paco vient nous féliciter d’avoir tenu la semaine complète à deux, il nous dit à quel point cette expérience nous aura ajouté une force supplémentaire dans notre couple, et je veux bien le croire !

Passé le sentiment un peu exaltant de réaliser que nos cordes vocales fonctionnent toujours, on apprend à connaître les personnes avec qui l’on a partagé cette aventure extraordinaire. C’est fou comme le fait de partager de tels moments nous permet de tisser des liens avec des gens dont on ne connaît même pas le nom, la culture ou la langue ! Certains sont revenus ici pour leur 7 ou 8ème retraite méditative, alors que pour d’autres, comme nous, c’était la première fois. L’émotion est forte, et nos regard en disent long. J’apprends que ma colocataire s’appelle Liepa, et qu’elle est originaire de Lituanie… J’ai les larmes aux yeux lorsque je la remercie pour la fleur posée à côté de mon lit en milieu de semaine.

Peu avant 8h, il est temps de faire nos adieux à Shoko, Paco, et au centre Dipabhavan. Un minivan nous ramène en plein centre de Lamai, au resort Utopia, où l’on s’est enregistrés pour la retraite il y a une semaine. Heureusement, il est encore tôt et le centre ville est très calme ; je ne sais pas quel aurait été notre réaction si l’on s’était retrouvés immédiatement en pleine furie touristique de milieu de journée, les terrasses débordantes de monde et les camionnettes à hauts-parleurs hurlant leurs annonces publicitaires pour des matches de boxe thaï… 😉 Les conversations se prolongent, puis il est temps de se dire au revoir, chacun continuant de son côté !

… Et maintenant ?

Ben maintenant, n’oublions pas que nous sommes le 27 août : pour mon anniversaire, je voudrais (dans l’ordre) que Chris me serre très très fort dans ses bras, rire aux éclats, un matelas, un pad thaï bien épicé et un bon café, rien que ça ! 🙂 🙂 🙂

 

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P.S. Vous vous en doutez, cet article a été assez fastidieux à écrire… Il est également, forcément, beaucoup plus personnel que nos articles ‘standards’ racontant notre quotidien de voyage. Une telle semaine a marqué notre année de baroudeur, et nous sommes heureux d’avoir pris 7 jours de notre voyage pour vivre cette expérience extra-ordinaire ! Sur cette page, je me suis volontairement restreinte (oui oui, même si l’article final occasionne déjà plus d’une demi-heure de lecture…) afin d’éviter de partir dans une longue dissertation sur l’importance, à nos yeux, de la pratique méditative et de la pleine conscience dans la société actuelle, que ce soit du point de vue de la psychologie positive ou des enjeux écologiques. Croyez-moi, en bientôt un an de voyage, ce sont des sujets que l’on tourne et retourne dans nos têtes, et qui occupent nombre de nos conversations !! Nous restons donc complètement ouverts à vos éventuelles questions ou volontés de discussion sur le sujet. On y répondra/discutera très volontiers, dans la mesure de nos connaissances et réflexions actuelles ! 🙂 Peut-être un nouvel article sur la pratique de la méditation verra-t-il le jour dans la rubrique ‘confidences’ de notre blog dans les prochains mois… 😉

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